Edith BOURDIAL
Présidente de l’Abeille Périgordine
Le 29 avril 2014, quinze états de l'Union Européenne ont voté en faveur de l’interdiction de trois insecticides sur les cultures de colza, coton, tournesol et maïs : l'imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame (mise en application au 1er décembre 2014).
Tout devait aller mieux, nous disait-on ! Nous sommes dans un mois en 2017 !
Et voilà que l'U.S.F.W.S. (The United States Fish and Wildlife Service) organisme fédéral des États-Unis dépendant du Département de l’Intérieur qui s’occupe de la gestion et de la préservation de la faune, déclare et classe officiellement les abeilles « espèce en voie de disparition ».
Je ne referai pas ici le couplet sur le rôle capital joué par les abeilles dans la production des végétaux (et en bout de chaîne pour la survie de notre espèce).
Une évidence sur laquelle s'accordent scientifiques, professionnels et hommes de bon sens, et qui - force est de le constater - ne préoccupe pas du tout nos politiques.
Nous avions pourtant grand espoir en 2013, quand un moratoire européen promettait de protéger les abeilles des 3 molécules néonicotinoïdes.
Seulement au fil des mois, nous avons constaté que les abeilles continuaient de mal se porter.
A l'issue d'une partie de bras de fer que nous avons engagée avec le Ministère de l'Agriculture qui refusait de nous donner les informations auxquelles légitimement nous avions droit sur l'état de l'emploi des pesticides en France depuis la mise en oeuvre de ce moratoire, nous avons fini par découvrir que malgré cette restriction européenne, les pesticides concernés continuaient d'être largement diffusés sur les cultures !
Le non-respect du moratoire était déprimant, et l'attitude du ministère exaspérante !
J'ai ressenti (probablement comme vous) une grande colère ce jour-là ! Car sans la mobilisation de nos dirigeants, comment la protection des abeilles est-elle possible ?
Pourtant, on ne peut pas dire que le monde agricole ne se soit pas doté depuis 20 ans d'un nombre impressionnant de nouvelles obligations sanitaires « au nom de la protection de notre santé » !
Mais en France quand on déshabille Pierre, on rhabille Paul derrière !
Une attitude schizophrénique qui ne promet rien de bon pour nos abeilles.
Et quand le père Ubu décide aussi de s'en mêler, on s'installe dans l'absurde !
Récemment le Courrier International révélait que pour ne pas se priver de polluer et continuer de produire massivement toujours plus, certaines régions du monde, comme la Chine, pallient même la disparition des abeilles en assurant manuellement la pollinisation de certaines espèces végétales !
Comment ? Les hommes munis d'une micro-brosse vont de fleur en fleur récolter le pollen... !
Quand on sait qu'une abeille visite 700 fleurs en une journée, difficile d'imaginer que, malgré son ingéniosité, l'homme puisse rivaliser avec l'insecte sur le rendement !
Une exception tout de même au désintérêt général de nos politiques pour les abeilles. Le 21ème Congrès National de l’Apiculture Française qui s’est déroulé le mois dernier à Clermont-
Ferrand a été inauguré par Madame Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, en personne.
La ministre a redit lors de son discours inaugural toute sa préoccupation autour de la situation traversée par l'apiculture en France et dans le monde, et nous a assurés de sa mobilisation sans
faille.
On se souvient en effet de l'investissement de Madame ROYAL qui avait demandé à l’Union Européenne l’extension de l’interdiction des néonicotinoïdes à l’ensemble du territoire européen.
Son discours le mois dernier à Clermont-Ferrand devant les délégations d’apiculteurs venues de toutes les régions de France métropolitaine et d’Outre-mer, devant les exposants représentant
l’ensemble des partenaires de la filière apicole française et devant les visiteurs, a fait son effet.
Il faut dire que jamais encore un ministre en fonction n’avait pris part à un congrès national des apiculteurs, ….et que l’absence totale de soutien et de représentation du ministre de l’Agriculture, Stéphane LE FOLL, en a scandalisé plus d'un !
A l’issue de ce 21ème congrès, l’U.N.A.F. en a profité de son côté pour revendiquer l'urgence d'une meilleure évaluation des produits phytosanitaires, d'un contrôle plus accru des miels d'importation, redit l'importance que le monde agricole choisisse d'évoluer vers des pratiques plus respectueuses de l’abeille et de l’environnement, et puis que les moyens de lutte contre le frelon soient rendus plus efficaces.
A l'aube d'une année électorale, la mobilisation autour de la situation de nos abeilles et de l'apiculture en France reste plus que jamais nécessaire, et le sujet devra trouver sa place dans les
débats.
L'actualité n'est pas toujours heureuse et les temps sont difficiles pour nombre d'entre nous.
Pour autant ce combat que nous menons pour nos abeilles est aussi celui que nous menons pour nos enfants, pour que demain soit possible et meilleur.
La lutte est âpre, semble par moment perdue d'avance, mais elle est légitime.
Pour nos abeilles et nos enfants, gardons confiance et ne baissons pas les bras !