Parallèlement, les apiculteurs ont beaucoup piégé. Une enquête conduite par l'Abeille Périgordine auprès de ses adhérents révèle des résultats très inégaux mais instructifs.
Les remontées de cette enquête mettent en évidence la présence de Vespa velutina sur la quasi-totalité du département, principalement le long des vallées de la Dordogne, la Vézère, l'Isle et le Dropt.
Le piégeage des fondatrices semble une réponse prioritaire et essentielle dans la conduite de cette lutte. Certains apiculteurs ont dépassé la centaine de femelles piégées pour un seul emplacement.
Le nombre de pièges semble une des conditions de réussite.
Les premières prises ont débuté dès la pose des premiers pièges à la fin de février. Il est possible d'augmenter le temps de piégeage en le débutant plus précocement.
Certaines fondatrices ont commencé la construction de nids dès mi-mars, soit plus de 5 semaines plus tôt que les constructions de 2007, ce qui laissait présager le risque d'une génération supplémentaire en fin de saison avec des nids plus volumineux et surtout plus peuplés qu'en 2007. Les mauvaises conditions climatiques ont heureusement diminué cette avance.
La moitié des femelles piégées et disséquées étaient fécondées. (Mme Darchen)
Le piégeage s'est révélé intense et efficace tout le mois d'avril avec très peu d'autres espèces capturées: pour l'essentiel, des mouches, des drosophiles et papillons de fausses- teignes (dans les ruchers décimés). Le risque de pièger le frelon européen, Vespa crabo et des guêpes dans les pièges non sélectifs se révèle un faux problème. Les premières captures de ces espèces ont commencé le 27 avril pour atteindre un pic vers le 15 mai. Ce décalage d'activité entre les Vespa velutina et les espèces autochtones à préserver est très important car il permet d'envisager une sélectivité par un piégeage précoce et massif qui permettrait d'éliminer Vespa velutina avant le début d'activité de Vespa crabo
À partir du 1er Mai, les captures de Vespa velutina ont ralenti mais se sont poursuivies jusqu'à début juin. Nous étions plusieurs à avoir l'impression que les fondatrices migraient à partir de secteurs moins "nettoyés".
Les ruches sans protection d'entrée suffisante ont continué tout l'hiver à alimenter les frelons. C'est une explication possible au maintien de population de frelons assez importante jusqu'au mois de mars. Sans ces protections, les chances de survie des colonies sont fortement compromises.
Vespa Crabo, le frelon européen semble avoir déjà disparu. sur certains emplacements où la présence de Vespa velutina était très importante en 2006 et 2007 et sans piégeage avant le printemps 2008. Il se peut que Vespa velutina ait provoqué la disparition de Vespa crabo, soit par concurrence alimentaire, soit par attaques des nids et prélèvements de larves malgré la différence de taille nettement favorable à Vespa crabo.
Dans les secteurs les moins touchés, des apiculteurs ont piégé intensément pendant 2 semaines. (30 Vespa velutina en 8 jours) et les captures se sont arrêtées.
La proximité des ruchers, des points d'eau, des anciens nids a souvent donné de bons résultats. Nous devons noter que l'attractivité des tas de compost avec déchets ménagers (M. Bousquet) semble meilleure que celle des ruches. C'est une remarque intéressante pour les piégeages périurbains et plus largement pour améliorer l'efficience des appâts. Les fondatrices sont certainement attirées de loin par une diffusion des odeurs plus ou moins sucrées, et une fois sur le site, elles se laissent tenter par le piège. Cette forte diffusion est à considérer comme essentielle pour réussir. Les composts très répandus permettront aux non-apiculteurs d'attirer les Vespa velutina pour les pièger et diminuer ainsi la pression de frelons auprès des agglomérations.
La hauteur des pièges semble avoir peu d'influence entre 50 cm et 1,80 m. Au-delà, les prises se raréfient.
L'exposition : il est remarqué que les pièges ensoleillés fonctionnent mieux le matin ainsi que ceux placés à l'ombre l'après midi.
L'alternance de pluies et soleil a certainement favorisé le piégeage. Si les jours de pluies il n'y avait pas de captures, les quelques jours ensoleillés qui suivaient ont permis des prises impressionnantes. Ainsi 7 prises le vendredi 25 avril, 9 le samedi et 14 le dimanche sur un seul site. L'intensité des prises diminue lorsque les fleurs sont nombreuses et le nectar abondant. Les Vespa velutina ont été remarqué en train de butiner allégrement les cotonéasters.
Mme Darchen a observé et analysé les premières naissances dans un nid. Il s'avère que ces premiers nés sont essentiellement des mâles. Ce qui inspire de nombreuses questions. Ces mâles ne sont-ils pas programmés pour féconder les jeunes fondatrices vierges.
Nous avons essayé de noter les pièges. Chaque apiculteur a indiqué sa notation en fonction de ses résultats, c'est très subjectif:
Par ordre croissant d'efficacité:
- Les pièges sélectifs dont l'entrée est limitée à 7 mm. Le diamètre du thorax est de 8 - 8.5 mm pour les fondatrices Vespa velutina et de 11 à 12 mm pour les Vespa Crabo.
- Les pièges sélectifs dont l'entrée est de 9 mm ou sans bouchon sont au même niveau que les bouteilles de 1.5 L ou 2 L coupées en deux avec le goulot renversé.
- Nettement supérieur pour les bouteilles de 5 L coupées en deux avec le goulot renversé.
Les plus performants sont incontestablement les pièges à guêpes du commerce.
On peut noter que l'efficacité augmente avec la taille des entrées et donc avec la diffusion des parfums.
Les types d'appâts qui semblent les plus attractifs durant l'hiver sont des mélanges à base de «panaché« associé à du sucre et du sirop de fruits, - cassis, grenadine, pommes...- certains apiculteurs indiquent que la marque du sirop est importante.
D'autres mélanges à base de vinaigre ou de vin blanc donnent de bons résultats. Ce ne sont pas les mêmes en été.
Le nombre de pièges est important. Dans les zones à forte pression, il est nécessaire d'en poser plusieurs sur un même site.
Personnellement, en 2007, les ruches dans mon jardin ont commencé à subir la prédation des Vespa velutina dès la mi-juin avec une amplification exponentielle jusqu'à fin septembre pour atteindre 2 à 3 frelons devant chaque ruche, une prise d'abeilles toutes les 20 secondes devant chaque ruche sans pouvoir évaluer les captures lors du butinage certainement tout aussi importantes.
Début octobre, les abeilles ne sortaient plus entraînant une absence de rentrée de nectar, d'eau et de pollen et donc de renouvellement des abeilles durant 3 semaines. le 22 octobre, j'ai mis en place un piégeage important (appât miel et sirop de nourrissement - voir numéro de février). En 5 jours, à raison d'une centaine de captures par jour, la pression est retombée à un frelon toutes les 3-4 minutes. Ce rucher a subit 75% de pertes. Pourtant je n'ai pu trouver que 2 gros nids de Vespa velutina dans un rayon de 800m.
Au mois d'avril j'ai piégé à cet emplacement 103 Vespa velutina et seulement 2 Vespa Crabo. Au mois de mai, 34 Vespa velutina et de nombreux frelons européens. J'ai observé la première ouvrière le 2 août. La pose immédiate de pièges a permis de capturer 8 Vespa velutina en une semaine. Malgré une absence observable, les pièges permettent de capturer régulièrement quelques frelons plutôt européens.
Le 22 août, attaque massive de frelons. Probablement un nid assez éloigné qui vient de trouver une source importante de nourriture. Je ne peux qu'espèrer que le piégeage maintiendra la pression de prédation tolérable.
Il est totalement illusoire de vouloir les détruire à la tapette à mouche.
Conseils: Dans les zones atteintes, il est impératif de pièger avec plusieurs pièges, plusieurs natures d'appâts et d'emplacements.
Pour aider les abeilles à mieux supporter la prédation, il faut les débarrasser du varroa (la diminution des butineuses concentre les varroas à l'intérieur de la ruche), soutenir la ponte avec un nourrissement progressif (candi) et protéger les ruches avec des réductions d'entrées de 5 ou 5,5 mm.
Le piégeage des fondatrices s'avère être un axe fondamental dans la lutte contre le frelon asiatique.
Il doit être réalisé en limitant au mieux les impacts négatifs sur les autres espèces.
En attendant la mise au point d'appâts sélectifs efficaces, les apiculteurs devront pièger massivement et précocement au printemps dans les zones à forte présence de Vespa velutina.
Ils devront reprendre dès que les premières ouvrières commenceront à chasser devant les ruches.
Richard LEGRAND - septembre 2008